Le mois dernier, j’ai participé à un atelier de teinture végétale organisé par l’association Couleurs en herbe. En tant que nouvelle toulousaine, difficile de passer à côté de la magie du pastel !
Un petit peu d’histoire
Le pastel des teinturiers, c’est un peu LA plante emblématique de la région toulousaine. La ville rose qui prospère grâce au bleu… qui l’eut cru !? C’est entre le 15eme et le 16eme siècle que l’exploitation du pastel atteint son apogée dans la région.
L’extraction du pigment indigo se fait à partir de la feuille de pastel. Je vous passe les détails, mais en gros, la technique d’extraction connue à cette époque prend des plombes : le processus dure environ deux ans, de la culture de la plante à la réduction du pigment en poudre, en passant par la fabrication des cocagnes (des boules de feuilles broyées). Si vous voulez en apprendre plus, je vous laisse faire un tour sur l’article wikipedia.
A partir du 16ème siècle , le pastel commence à se faire détrôner par un concurrent plus productif, venant d’Orient : l’indigotier (indigofera tinctoria). Les mauvaises récoltes et les guerres de religions finissent d’anéantir la production de pastel en Europe. Et puis petit à petit les couleurs de synthèse remplacent les pigments naturels.
Aujourd’hui, des passionnés tentent de remettre le pastel à l’honneur, et ont découvert des techniques d’extraction beaucoup plus rapides qui ne nécessitent pas beaucoup de matériel.
L’atelier : une journée autour du pastel
On fait d’abord connaissance avec la collection de plantes à indigo de Catherine.
Puis on découvre la magie de la nature en réalisant les empreintes de ces feuilles.
Au départ, c’est tout vert. C’est du jus de feuille. Mais le passage à l’eau savonneuse et à l’air fait son petit effet…
Le vert disparaît et la magie opère… pour laisser place au bleu ! Moins romantique, plus scientifique : cette couleur bleu vient d’une oxydation à l’oxygène.
La tisane au pastel
Maintenant qu’on sait qu’il y a bien du bleu là dedans, on va tenter de l’extraire.
C’est assez impressionnant de voir les couleurs évoluer à mesure que le mélange s’oxyde !
La réaction terminée, on s’aperçoit qu’il y a de petites particules en suspension dans le liquide : c’est notre pigment , c’est l’indigo ! C’est-y pas dingue ça madame ?!
Il ne reste plus qu’à récupérer notre précieux.
On laisse faire la gravité. Il faudra bien attendre la fin de la journée pour voir la récolte de notre dur labeur.
La teinture
Après une pause casse-croûte, on s’attaque à la préparation d’une cuve de teinture. Pas directement à partir de la récolte du matin. Déjà, parce que Dame Gravité prend vachement son temps, et puis surtout parce qu’il aurait fallu un peu plus de feuilles pour obtenir une quantité suffisante de pigment. Pour avoir une idée, le ratio c’est une tonne de feuille de pastel pour 2kg de pigment !
Du coup, on utilise un pigment du commerce : de l’indigo d’Inde (provenant de la plante Indigofera Tinctoria)
Et un peu de vitriole… noooooon 😉
Notre cuve est prête à recevoir qui veut devenir bleu !
Le premier test est un succès : sous nos yeux ébahis, la magie se produit, l’oxydation aussi.
Des cocottes en tissus
La belle découverte de l’après midi, c’est le shibori.
Le shibori est une technique de teinture japonaise qui consiste à créer des réserves par pliages, noeuds, froissages… La teinture ne peut pas pénétrer dans toutes les zones du tissu, et on obtient alors des motifs plus ou moins réguliers.
On prépare avec soin nos pliages. On expérimente. On noue, on plie, on coud. Un peu au hasard ou en s’aidant de bouquins.
On les plonge dans la cuve pendant quelques minutes…
On rince. Puis on déplie, on découd, on défroisse et on découvre nos motifs. Souvent, c’est la surprise !
Il faudrait un peu plus de pratique pour pouvoir réellement anticiper le résultat de nos pliages… Mais c’est cet imprévu et ce côté aléatoire qui me plaisent bien et qui rendent cette technique si intéressante.
La journée se termine. Je rentre avec de jolis tissus dans les poches et de nouvelles idées en tête !
Un grand merci à Catherine pour cet atelier passionnant et riche en découvertes, à Kattrin pour ses photos qui sont venues compléter les miennes, et à tout le petit groupe qui a largement contribué à la bonne ambiance de cette journée !
9 réponses sur « La vie en bleu »
c’est magnifique ! en effet, ça fait pousser les envies …
oh que oui 🙂 C’est même presque dangereux de mettre le doigt là-dedans, c’est des coups à rester coincer longtemps !! 😉
Article très intéressant et joyeux comme cette journée !
oui c’était super ! Merci pour le petit mot ici !
Ça a l’air super sympa ! J’aurais bien aimé être avec toi ! Dommage , ça ressemble aussi à la technique du batik, je te ferai voir mon livre la prochaine fois. Bisous
On avait vu un atelier de batik en Indonésie, et en effet ça peut facilement être réalisé avec l’indigo ! Je te tiens au courant des prochaines journées de ce genre , tu pourras peut être venir sur Toulouse pour l’occasion.
[…] On avait vu la vie en bleu pendant une belle journée consacrée au pastel (que vous pouvez retrouver en image dans cet article) […]
mince alors c’est magnifique 🙂
je suis en bretagne et je cherche à teindre quelques mètres de tissus lin pour mes double rideaux
pouvez vous me donner un ou deux conseils concernant les motifs obtenus ???
Bonjour Céline, merci pour votre message.
Concernant les motifs, c’est la technique du shibori : il s’agit de froisser, coudre, plier le tissu de manière à créer des réserves, et empêcher la teinture d’aller dans ces endroits. Je n’ai fait que des tests, donc rien de très précis que je pourrais reproduire exactement. Mais vous trouverez sur internet des exemples de pliages de shibori 😉